Les droits de succession : Calculs et abattements

Évoquer la transmission de patrimoine entre parents et enfants n'est pas toujours chose aisée. Faisant référence à la mort et à l'argent, deux thèmes hautement sensibles à convoquer en famille,  la question de l’héritage est souvent pudiquement tue. Ainsi, près de 60 % des parents avouent n’avoir rien fait pour la préparer. De leur côté, les enfants ou héritiers potentiels n'osent guère aborder la question avec leurs parents, par peur de se faire taxer d'indélicatesse voire pire, d'ingratitude ou de cupidité.Et pourtant ! Invoquer ce sujet n'a jamais fait mourir personne et une succession bien préparée et maîtrisée peut s'avérer source de satisfaction des deux côtés : pour les parents, la joie de transmettre les fruits de leurs efforts dans les meilleures conditions possible. Pour les enfants, la fierté de faire vivre et prospérer le patrimoine familial, tout en profitant de l'aisance qu'il procure.Afin de mieux comprendre les ressorts de la transmission, ses enjeux, son fonctionnement, laissez vous guider dans son univers quelque peu abscons et méconnu.
Tout savoir sur les droits de successions

Définition des droits de succession

Le lexique à connaitre

 

Héritage, droits, réserve et quotité, on vous explique tout
Héritage, droits, réserve et quotité, on vous explique tout

L’héritage désigne l’ensemble des biens (mobiliers ou immobiliers) transmis d’un ascendant (parent, grand-parent) à un ou plusieurs descendants après son décès. Pour caractériser cet ensemble, on parle également de succession ou de patrimoine successoral. L’actif net successoral représente, pour sa part, la totalité de ces biens, déduction faite des dettes contractées par le défunt de son vivant et qu’il n’avait pas encore remboursées. Il va servir de base de calcul ou d’assiette au paiement des droits de succession.

Ces derniers correspondent à l’impôt perçu par l’État dans le cadre d’un héritage. Ils apparaissent également sous le terme générique : Droits de Mutation à Titre Gratuit (DMTG) et représentent les droits à payer sur les successions et les donations. Dûs par les héritiers de la personne décédée, ils dépendent du montant de l’héritage et du degré de parenté entre le défunt et les bénéficiaires (appelés également les ayants-droits).

C’est ainsi qu’un père et sa fille sont parents au premier degré, qu’une grand-mère et son petit-fils le sont au deuxième degré. Les collatéraux sont les membres d’une même famille qui ne descendent pas les uns des autres, mais ont un ancêtre en commun (mère, père, grand-père…). En pratique, on distingue les collatéraux dits “privilégiés” (frères, soeurs…) et les collatéraux dits “ordinaires” (oncles, tantes…). Les premiers sont plus souvent appelés à la succession que les seconds.

Il faut savoir qu’en France, il n’est pas possible de transmettre librement la totalité de son patrimoine par donation ou succession, si l’on a des enfants. En clair, il est impossible de les déshériter. 

Ainsi, tout patrimoine se répartit entre : 

  • la réserve héréditaire : c’est-à-dire la fraction qui doit obligatoirement revenir aux héritiers réservataires (les descendants) ou conjoint survivant (si le défunt ne laisse pas de descendants).
  • la quotité disponible : la part que le détenteur du patrimoine peut librement transmettre comme bon lui semble et qui dépend du nombre d’enfants présents.

La proportion entre réserve et quotité disponible varie donc selon la situation de famille :

Si le détenteur de patrimoine a :alors la réserve héréditaire est de……et la quotité disponible de…
1 enfant½ de la succession½ de la succession
2 enfants⅔ de la succession⅓ de la succession
3 enfants et plus¾ de la succession¼ de la succession

Part de la réserve héréditaire et de la quotité disponible en fonction du nombre d’enfants

Exemple : Si une personne possède 100 000 € de biens (mobiliers et immobiliers) et a 3 enfants, elle ne pourra disposer que de ¼ de son patrimoine soit 25 000 €, à donner ou transmettre à qui bon lui semble (en dehors de ses enfants).

À noter : s’il n’y a ni descendant (enfant, petit-enfant…) ni père ni mère, le conjoint survivant, sans être qualifié d’héritier réservataire, reçoit obligatoirement ¼ du patrimoine du défunt.

Le calcul des droits de succession à payer s’effectue, sur la base d’un barème de pourcentages, sur la fraction de biens recueillie par le ou les héritier(s), déduction faite de l’abattement dont il(s) bénéficie(nt). Ainsi un abattement est une part d’héritage qui échappe aux droits de succession ou de donation à payer. C’est un montant d’héritage exonéré de droits.

Exemple : un enfant peut recevoir jusqu’à 100 000 € de ses parents sans aucun droits à verser au fisc.

Il est possible de transmettre tout ou partie de son patrimoine de son vivant par le biais de dons ou donations. Acte juridique par lequel une personne (le donateur) se dépouille d’un bien ou d’une somme d’argent au profit d’une autre (le donataire) qui l’accepte sans contrepartie. Ils sont soumis eux aussi à abattements et droits de mutation. Enfin, il faut savoir que, sur le plan juridique,  la propriété de tout bien (immobilier, mobilier, monétaire etc.) se décompose entre :

  • la nue-propriété qui représente le droit de disposer de ce bien et donc éventuellement de le vendre
  • et l’usufruit qui est le droit d’utiliser ce bien et/ou d’en percevoir les revenus.

Dans une situation classique, les deux éléments sont rassemblés au sein du concept de propriété mais il est possible de les dissocier.

L’héritage en France : statistiques et chiffres clés

Les Français restent fondamentalement attachés au principe de l’héritage. Il souhaitent majoritairement pouvoir léguer, librement, le fruit de toute une vie de travail, d’épargne et de gestion rigoureuse, à leurs proches. 

Pour beaucoup d’entre eux, le principe des donations de leur vivant, reste fondamental, afin de pouvoir aider les jeunes générations au moment où elles en ont le plus besoin. En effet, avec l’allongement de la durée de vie, l’âge moyen auquel l’on hérite est de plus en plus avancé : 52 ans aujourd’hui. Or, le dispositif fiscal actuel en matière de donations n’est pas perçu comme suffisamment incitatif. Au contraire, il aurait tendance à favoriser la concentration des capacités d’investissement sur les personnes âgées, qui sont justement celles qui investissent le moins.

Sans surprise, une étude de France Stratégie révèle que nos compatriotes sont farouchement opposés aux droits de succession et de donation. Ces derniers sont souvent perçus comme des impôts injustes, venant taxer de l’argent, qui a déjà été imposé (même si la plupart d’entre eux ne seront, en fait, jamais taxés à ce titre !). En outre, ils estiment que la taxation pénalise un comportement vertueux qui consiste à épargner pour assurer la sécurité de leurs proches. Ainsi, selon une enquête du CRÉDOC (Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie), 87 % des Français souhaitent une baisse des droits de succession contre 9 % une hausse.

A  l’autre bout de la chaîne, certains organismes tels que le CAE (Conseil d’Analyse Économique), qui réalise des études économiques pour le gouvernement, ou encore l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques) tirent la sonnette d’alarme. Selon eux, la fortune héritée tendrait à prendre une part très (voire trop ?) importante dans le patrimoine total : désormais près de 70 % contre 35 % au début des années 70. Ce phénomène, qui touche la plupart des pays développés depuis une trentaine d’années, favoriserait la reproduction et l’aggravation des inégalités sociales et obérerait le principe d’égalité des chances. Ils prônent donc un renforcement de la taxation, notamment pour les patrimoines les plus élevés.

En France, 60 % des parents avouent n’avoir rien fait pour préparer leur transmission de capital

En France, cet impôt est plutôt rémunérateur pour l’Etat. D’après FIPECO, le site spécialisé dans les finances publiques, il a rapporté 15 milliards d’euros en 2020, dont 12 milliards d’euros pour les droits de succession et 3 milliards d’euros pour les droits sur les donations.Selon l’OCDE , ces recettes fiscales représentent 0,7% du PIB contre 0,2 % en Allemagne et 0,2 % aux États-Unis. Les droits de succession ont été totalement supprimés dans 15 des 35 pays de l’OCDE (Suède, Portugal, Autriche etc.).

Au niveau individuel et selon l’INSEE, environ la moitié des individus héritera, en France, de moins de 70 000 € de patrimoine tout au long de sa vie contre 500 000 € en moyenne pour les 10 % les plus riches. Par ailleurs, 50 % des donations reçues représentent moins de 30 000 €, 31 %, entre 30 et 100 000 € et 10 %, 100 000 € et plus. Enfin, le montant moyen transmis s’élève à 135 400 € mais une transmission sur 2 n’excède pas 41 400 €.

Les étapes de la succession

En l’absence de dispositions particulières, ce sont les règles communes qui déterminent la répartition du patrimoine, sans forcément tenir compte des intérêts de chacun des héritiers et en appliquant le barème de taxes standard.

Notaire : formalités, frais et délais.

Le notaire établit l’acte de notoriété

Il s’agit de la liste des personnes appelées à recueillir la succession , ainsi que leurs droits respectifs. À cet effet, il collecte les documents permettant d’identifier les membres de la famille concernés par la succession (livret de famille, contrat de mariage, jugement de divorce, etc…). Il regroupe également les documents dans lesquels le défunt aurait désigné une ou plusieurs personnes pour recueillir tout ou partie de sa succession tels que testament et donation entre époux. Le notaire interroge le fichier central de disposition des dernières volontés.

Le notaire dresse un bilan complet du patrimoine du défunt

Il liste et évalue l’ensemble des biens (comptes bancaires, valeurs mobilières, mobilier, immeubles) et des dettes de la succession. C’est ce qu’on appelle la liquidation. Il doit donc être en possession de l’ensemble des documents (titres de propriété, relevés bancaires, livrets d’épargne, factures) permettant d’évaluer l’actif et le passif de la succession. Il doit également être informé des  différentes opérations effectuées dans le passé par le défunt (achats, ventes, échanges, constitution de sociétés, donations).

L’étude de ces premiers éléments permet de faire apparaître, par simple addition des biens du défunt, un actif brut successoral.  L’actif net successoral, pour sa part, sera obtenu en déduisant de l’actif brut les dettes éventuelles du défunt et, dans certains cas, les frais funéraires. Le calcul des droits de succession se fait sur la valeur de l’actif net successoral.

Petite précision : Les biens constituant le patrimoine sont estimés sur la base de leur valeur vénale (c’est à dire la valeur de marché) à la date du décès, exception faite des objets d’arts, des valeurs mobilières et de la résidence principale du défunt qui bénéficie, elle, d’un abattement de 20% de sa valeur, si la maison abrite toujours le conjoint survivant, le concubin pacsé ou des enfants mineurs. Cet abattement ne s’applique pas si la maison a été transmise par donation et si elle était occupée par le donateur. Une décote peut également être admise si le bien est loué : cette décote dépendra de la durée du bail en cours. 

Le notaire accomplit les formalités hypothécaires et fiscales liées au décès :

  • Établissement et publication au Service de publicité foncière d’une attestation de propriété (pour les immeubles), c’est -à -dire un acte par lequel le notaire atteste que les biens immobiliers du défunt ont été transmis à ses héritiers, lors d’une succession. L’attestation de propriété immobilière est un acte authentique obligatoire particulièrement important pour les héritiers, puisqu’il constitue leur titre de propriété sur les biens transmis. 
  • Rédaction de la déclaration de succession auprès de l’administration fiscale. La déclaration est obligatoire même s’il n’y a aucun droit à payer. Cependant, les héritiers en ligne directe (les enfants par exemple) ou le conjoint ne sont pas tenus de souscrire une déclaration de succession lorsque l’actif brut de la succession est inférieur à 50 000 € (3 000 € pour les successions hors ligne directe),
  • Établissement d’une attestation de paiement des droits de succession à la recette des impôts. 

Bon à savoir : Quels sont les délais et les tarifs des notaires pour réaliser ces 3 étapes ?

  • Le délai de règlement complet d’une succession dépend largement des particularités propres à chaque dossier. En moyenne, il est de six mois. C’est d’ailleurs le délai maximum imposé aux héritiers pour payer les droits de succession. En cas de retard, un intérêt de 0,20 % par mois est dû à l’administration fiscale (ajout d’une pénalité de 10 % si le retard excède six mois). Il est toutefois possible de demander un délai de paiement de 1 à 3 ans.
  • Les tarifs des notaires en matière de succession regroupent les tarifs réglementés (émoluments) et tarifs non réglementés (débours, droits et taxes). Les émoluments du notaire sont variables en fonction des prestations réalisées. Ils peuvent être fixes (acte de notoriété : 67,92 € TTC, inventaire : 90,55 € TTC)  ou proportionnels à la valeur du bien ou à l’actif brut.

Pour en savoir plus sur les frais de notaires dans le cadre d’un investissement immobilier : Tous savoir sur les frais de notaire

Exemples de tarification

Attestation de propriété (attestation notariée)
De 0 € à 6500 €1,935 % HT de la valeur du bien
De 6 500 € à 17 000 €1,064 % HT de la valeur du bien
De 17 000 € à 30 000 €0,726 % HT de la valeur du bien
Plus de 30 000 €0,532 % HT de la valeur du bien

Tableau récapitulatif des frais de notaires pour une attestation de propriété

Déclaration de succession
De 0 € à 6500 €1,548 % HT de l’actif brut
De 6 500 € à 17 000 €0,851 % HT de l’actif brut
De 17 000 € à 30 000 €0,580 % HT de l’actif brut
Plus de 30 000 €0,426 % HT de l’actif brut

Tableau récapitulatif des frais de notaires pour une déclaration de succession

Calcul des droits et abattements

Le taux d'imposition sur les droits de succession est proportionnel au montant engagé
Le taux d’imposition sur les droits de succession est proportionnel au montant engagé

L’actif net imposable étant défini, le notaire peut procéder au calcul de la part nette revenant à chaque ayant-droit, celle-ci servant de base de calcul aux droits de succession. En France, depuis 2007, le conjoint survivant (de même que le partenaire de Pacs) est exonéré de droits de succession

Les héritiers pourront bénéficier d’un abattement personnel (qui sera fonction de leur lien de parenté avec le défunt et de leur situation personnelle), à condition que le délai de rappel fiscal ne s’applique pas à eux (c’est-à-dire, en clair, qu’une donation n’ait pas été réalisée depuis moins de 15 ans).

Votre lien de parentéAbattement auquel vous avez droit
Époux/épouse du défunt/partenaire du PacsExonération de droits de succession
Enfant du défunt ou ascendant100 000 €
Petit-enfant ou autre personne1 594 €
Frère ou soeur du défunt15 932 €
Neveu ou nièce du défunt7 967 €

Tableau récapitulatif des abattements selon sa situation personnelle

Une fois déduits ces abattements, les droits de succession à payer sont progressifs (plus les sommes transmises sont importantes et plus elles sont taxées).  Ces DTMG sont déterminés, pour chaque héritier, selon le barème suivant :

Après abattement, si votre part de succession est …..…le taux des droits de succession applicable sera de…..
Inférieure à 8 072 €5 %
de 8 072 % à 12 109 €10 %
de 12 109 € à 15 932 €15 %
de 15 932 € à 552 324 €20 %
de 552 324 € à 902 838 €30 %
de 902 838 € à 1 805 677 €40 %
supérieure à 1 805 677 €45 %

Tableau des taux de taxations en fonction du montant de la succession

Exemple : Imaginons Mme Martin, célibataire de 60 ans avec 2 enfants détenant un actif net taxable de 600 000 € : une maison évaluée 420 000 € + 180 000 € d’épargne. À son décès, chacun de ses enfants bénéficiera de 100 000 € d’abattement. Le calcul des droits de succession ne portera donc « que » sur  400 000 €, tombant, en majeure partie, dans une tranche taxée à 20 % environ. Ils s’élèveront donc à environ 80 000 €.

À noterEntre frères et sœurs, les successions sont fortement taxées. Après un abattement de 15 932  €, le tarif des droits est de 35 % jusqu’à 24 430 € et de 45 % au-delà. Elles sont toutefois totalement exonérées dans le cas où le frère et la soeur vivaient sous le même toit durant les 5 années précédant le décès. Entre parents jusqu’au 4ème degré (neveux, oncles, cousins germains, grands-oncles, etc.), elles sont imposées au taux de 55%. Ce taux atteint 60% pour les autres parents et les étrangers à la famille.

Petite astuce : de nombreux simulateurs de calcul de DTMG en ligne existent. Ils permettent de réaliser une bonne approximation des droits à payer.

La synthèse de la rédaction

Pour résumé, comprendre les ressorts et les enjeux de la transmission de patrimoine suppose d’en connaître la terminologie, les acteurs, les règles de fonctionnement. À partir de là, le calcul de la part d’héritage susceptible d’être transmise et recueillie par les héritiers est assez clair. Il laisse apparaître qu’au-delà du simple jeu des abattements, les droits de succession peuvent vite s’avérer relativement lourds voire être perçus comme confiscatoires. Ceci dit, le système fiscal français offre de multiples possibilités d’exonérations et réductions.

Pour les découvrir, n’hésitez pas à consulter notre article sur : L’exonération des droits de succession. Vous y découvrirez que, bien gérée en amont, la transmission de patrimoine peut parfaitement être optimisée, de manière à privilégier les héritiers.

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Sylvie

Sylvie

Sylvie a travaillé pendant plus de 10 ans dans le secteur bancaire. Forte de son expérience elle vous propose des articles sur les finances personnelles, les marchés financiers et l'immobilier avec une approche pragmatique et pédagogique.

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